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Une Grosse Pomme empoisonnée...

Publié le par skippjournalist

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Le Lou de Manhattan rôde solitaire au pied d'un building déglingué et pousse son hurlement le plus lugubre, le plus angoissé, le plus émouvant aussi. Devenu star malgré lui d'un rock interlope, noctambule, urbain et branché avec ce Walk on the wild side, le tube piège de l'album Transformer, l'ex-Velvet plonge dans l'underground new-yorkais, qui le fascine et l'écœure . Et crache cette œuvre étrange, hantée, plus baroque que rock, où les cris de la rue côtoient des plaintes de contrebasse et de saxo caverneux, où s'entrecroisent ses thèmes favoris, lâcheté, trahison, mensonges et pouvoir.
Il nous raconte, morbide, le New York de 1972. Et dans nos têtes les clichés défilent, mais ce sont les nôtres : l'Apollo de Harlem et les églises baptistes où le gospel se fait danse de Saint Guy afro-américaine, Saint-Mark Place où se désossent de titubants poètes, les boutiques de Brooklyn où l'on s'interpelle en yiddish, les restaurants du Bronx dont les mamas vous chantent le menu en sicilien, les bars irlandais de la Septième avenue où d'énormes flics rouquins célèbrent Saint Paddy à longueur d'année. Et les caves à folk de Greenwich Village, les lofts swing du Lower East Side, Carnegie Hall pour Horowitz, Broadway pour Liza, le Madison Square Garden pour les fanfares des Conventions et le reste du tout venant, le rock'n'roll par exemple. . .
Car New York, carte postale d'hier ou instantané d'aujourd'hui, est la ville de tous les bruits, jamais d'un seul: cette ville est LA ville, pas l'Amérique. Elle en fut la vitrine, elle en est devenue la honte: dans les année 70, un Texan qui s'y perd est plus sûrement détroussé ou occis qu'un Japonais ou un Européen! New York fut la bouche et les yeux du Nouveau Monde, elle n'est plus dans ces années-là que son cauchemar, sa poubelle: un énorme et coassant bubon. New York est la seule ville de la planète capable de transformer immédiatement et de fond en comble tout ce qui s'y pose, y passe ou y échoue. La musique, ici, déborde comme d'un chaudron fumant, jamais apaisante... Le rock n'est plus dans ce fatras qu'un remugle parmi d'autres, un son aussitôt dégluti, banalisé, escamotable, recraché... ! Si le rock a pu finalement s'immiscer puis s'incruster , c'est uniquement en s'adaptant aux tics et aux manies de la ville, en se coulant tel un vaurien sournois sous ses jupons douteux, en la album-the-velvet-underground-the-velvet-underground-nicoFront.jpg
flattant du côté de son péché mignon: avant-garde, avec majuscules et en français s'il vous plaît! Avant-Garde de quoi? Qu'importe, pourvu que du magma surgissent des choses brillantes. Dans les années Elvis, néant : le King n'est qu'un plouc à New York, du loukoum pour les midinettes du Midwest. Les Beatles, c'est déjà mieux : la ville apprécie que leur triomphe aux USA commence par chez elle..., mais toujours elle préfèrera les veules et sulfureux Rolling Stones.
Mais sa propre marmaille ? Un nommé Dylan traîne une misère volubile au Village. Ce fugueur dégringolé du Minnesotta, elle va l'adopter, en faire son « Clochard céleste » à elle, le premier de sa classe de cancres. Plus tard, vers 1976, les place du fond se garnissent. Arrivent , le Television implosé de Tom Verlaine ( !), les cavalcades époumonées de Patti Smith, la sauvagerie primitive des Ramones, le sexy-sentimentalisme de Blondie et les têtes raides de Talking Heads.
C'est sur les scènes éclatées de Manhattan, que s'élaborent les modes qui dévorent les modes. Ainsi Madonna, méli-mélo frénétique et brouillé, vulgaire et frelaté fait arbitre. Suzanne Vega la pâle, elle, se moque, dans son coin, des travers de New York. Big Apple, big appât... New York consomme son rock comme on mâche un hamburger : distraitement. Pourtant, de Dylan aux Talking heads, du Velvet de Lou Reed aux New York Dolls en pas
sant par Mink Deville et Johnny Thunders, groupes et artistes y croissent comme des fleurs sur un tas d'ordures.
Les vers dans le fruit...
Liberté-Dimanche Paris-Normandie août 2011
patti-10guitar
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